Retour au blog de Axew
Marchant sur un chemin qui s’éclairait au rythme de mes pas, je relevais lentement la tête pour savourer chaque instant de ce changement d’atmosphère tant espéré. Mon esprit libéré de ces chaines qui me retenaient dans un monde sombre, désolant et sans saveur, mon être se dirigeait vers un univers de joie et de lumière. Pas un seul obstacle ne se trouvait sur cette route me conduisant à mon idéal, personne pour m’arrêter, pas d’imprévu à l’horizon. Aucune nostalgie pour mon passé ne me poursuivait, pas la moindre chance que je fasse demi-tour. Trépignant d’impatience, ma cadence s’accélérait, mes jambes jouissaient du plaisir de la liberté. Mais c’était avec lenteur que je me hâtais, pour pleinement ressentir l’apogée d’une flamme intérieure longtemps, bien trop longtemps étouffée par une pluie de tourments. Un monde remplis d’aventures m’attendait avec impatience. Tout était encore noir autour de moi, mais au loin, la lumière de mes rêves brillait. Encouragé par l’enjouement que m’apportait cet éclat, je me suis mis à courir à travers un paysage étincelant de toute sa beauté qui se dessinait à mesure que je progressais. Mon cœur qui avait été gelé après ces six ans passés dans le froid éternelle de mon ennuyeuse routine, s’entoura du feu ardent généré par la ferveur de mon idéal. Le soleil couronnait le ciel bleu dégagé de tout nuage d’amertume, plus rien ne m’obligeait à garder les pieds sur terre, je pouvais enfin prendre mon envol. L’aura chaude de la délivrance m’enveloppait et me fit pousser des ailes afin que je puisse atteindre ma lumière. Ces ailes flamboyantes me procurèrent un bonheur si intense qu’en quelques instants, je me retrouvais à plusieurs mètres du sol. Tel un ange, je traversais les cieux en laissant derrière moi un passé obscur et inintéressant. Lorsque notre volonté et notre détermination croisent leur chemin, le ciel n’est même plus une limite à nos rêves. Désormais loin de ce cachot où les barreaux de ma chimère m’avaient retenu prisonnier, j’allais enfin connaitre l’extase de devenir le maître de mon avenir. La perle lumineuse était de plus en plus proche, il me suffisait de tendre le bras pour prendre mon destin en main ! Mais elle était toujours là et attendait la dernière seconde, pour que la chute n’en soit que plus douloureuse… Durant un moment, ou je sentis mon cœur s’éteindre, je pouvais presque entendre les ricanements narquois de la fatalité. Ce fatalisme de la réalité, comme pour se délecter le plus longuement possible de la décadence qui me guettait, arrachait les plumes de mes ailes une par une en m’entrainant peu à peu dans une chute vers les abysses. Toute trace de joie dans ma vie passée s’estompait, sans même m’accorder un dernier rappel de mes souvenirs les plus chères, ceux où je courrais à travers des champs verdoyants et où j’avais déployé mes ailes, pour la première et la dernière fois. Les couleurs chaudes qui égayaient le paysage dans lequel je m’étais enfui prirent de déprimantes tournures, froides, inquiétantes et ténébreuses. Pendant cette chute qui me semblait interminable, je regardais avec impuissance l’éclat de mon idéal s’éloigner. Lorsqu’elle fut lassée de me voir sombrer, elle autorisa le sol à m’achever une bonne fois pour toute. Je l’ai percuté avec une telle violence que mes os volèrent en éclat en ne manquant pas de me perforer le cœur. Paralysé, incapable de bouger n’y même de respirer, je gisais à peine conscient au milieu d’une terre morte. Les arbres avaient perdues leurs feuilles vertes ne laissant que des branches sans vie, l’herbe des champs avait dépéri semant à la place un vaste désert de désolation et le ciel fut englouti par les ténèbres. Mon âme vidée de tout espoir baignait dans une mare de sang. Ma vision s’assombrissait et se troublait. Quelle triste nouvelle d’apprendre que mon unique délivrance sera la mort. Voilà donc comment résumer ma vie… Juste la tentative absurde de vouloir me délivrer des chaines de ma réalité pour atteindre un idéal et échouer à la dernière minute à cause d’un monde qui refusait le moindre instant de bonheur. La joie de vivre, ce n’était pas pour moi et l’univers s’amusait à me le rappeler sans arrêt. Alors que je donnais mon dernier souffle de vie, j’aperçus que l’éclat de mon idéal brillait toujours haut, très haut dans cette étendue sinistre… Comme une étoile qui nous guide même dans l’obscurité la plus totale. Dans un dernier élan d’espoir futile, je tendais le bras dans sa direction, faisant comme si je la saisissais de loin. Mais ma main tomba lourdement sur le sol, lorsqu’un coup de vent éteignit cette seule source de lumière qui avait éclairé le tableau noir de mon existence. C’était la fin d’un injuste combat, se concluant par ma cuisante défaite. Plus aucun bruit… Plus aucun mouvement… Plus aucune respiration… Plus aucun battement… Plus aucune notion de vie… Quand soudain, je rouvrais les yeux en me redressant dans un sursaut. Le cœur cognant violemment dans la poitrine, la respiration courte et précipitée ainsi que le front en sueur, je regardais autour de moi pour me resituer. Bien que l’atmosphère était toujours aussi obscure et lugubre, j’avais quitté l’inquiétante terre qui m’avait vu trépasser. Je me suis mis debout sans mal, repoussant les tissus sales et brunâtres qui me servaient de draps, et je me suis dirigé vers un tonneau renfermant de l’eau tiède. L’étagère branlante et vide de toute connaissance qu’un livre pourrait m’apporter attirait toujours mon regard lorsque je passais à côté. Finalement arrivé en face du baril, je joignis mes deux mains pour saisir un peu de cette substance trouble dont la limpidité avait été altérée par le temps. De toute façon, j’avais déjà perdu le goût de la vie, ce n’était pas cette eau insalubre qui allait me rendre malade. Rassasié, oserais-je dire, je me suis recouché après avoir plusieurs fois toussé pour évacuer la crasse que je venais d’ingurgiter. Allongé à même le sol sur un peu de paille, je jetais un dernier regard à travers la pièce fermée à clé qui ressemblait plus à une prison qu’à une chambre, avant de replonger dans un profond sommeil. En fait, il y avait bien un trou carré qui apportait un semblant de lumière. On aurait pu croire que cette fenêtre donnait sur la liberté et le bonheur d’être en vie. Mais non… ce n’était que la suite de cette immense prison qui me retenait prisonnier depuis seize longues années. Je redoutais le soir, car je ne faisais que m’endormir en attendant la journée du lendemain qui serait la même que la précédente. Ma vie n’était qu’une simple routine, qu’une simple répétition des évènements de la veille… [...]