Blog de Space: Fans ~ Chapitre 1

Amitié
« Attention, derrière toi !
-Ne t’inquiète pas, je vais te protéger ! »
Les deux filles se mirent à rire à gorges déployées en pleine rue, tandis que les passants les regardaient s’agiter avec joie et s’amuser de leurs costumes fraîchement achetés…

Un après-midi chaud et quelconque, dans un lycée ordinaire aux bâtiments grisâtres, dans une ville de banlieue comme une autre. Une classe de seconde tentait de coucher sur le papier le cours soporifique et incompréhensible d’un prof en surpoids certain qui tentait d’étaler sa culture sur l’immigration irlandaise au XIXème siècle en passant régulièrement un mouchoir imbibé de sueur sur son front trempé. Tandis que ses élèves peinaient à suivre, il ne faisait qu’accélérer, ce qui ne n’augurait pas une bonne moyenne de classe au prochain contrôle de mi-trimestre. Soudain, le bruit que chaque élève se surprend à attendre impatiemment lorsque le cours devient insupportable et que la concentration décline, retentit : tous les élèves s’empressèrent de ranger leurs feuilles dans leurs classeurs, leurs trieurs, voire directement dans leur sac, suivant le degré de sérieux de chacun. Ils sortirent enfin en trombe de la salle, pressés d’aller manger et maudissant la queue pour celle-ci qui s’allongeait de secondes en secondes.
Seulement, une seule élève resta assise à sa table même après avoir rangé ses affaires. Petite et svelte aux cheveux châtains, elle portait des lentilles violettes et un uniforme comportant une chemise et une jupe plissée.
Cette jeune fille, nommée Konatsu, sortit une petite boîte rose de son sac et l’ouvrit : un délicieux arôme lui titilla les narines, et elle ferma les yeux avec plaisir. Puis elle détacha le couvercle et, rouvrant les yeux, contempla le fruit de son travail matinal : elle s’était préparé une portion de riz, accompagnée de petits poulpes frits et de différentes crudités.
La jeune fille allait attaquer avec ses baguettes tout juste séparées lorsque le professeur toussota devant elle. Elle sursauta et leva les yeux vers lui. Il la regardait avec ses yeux globuleux d’un air agacé :
« Mademoiselle, combien de fois vous ais-je dit que je ferme la classe une fois les cours finis ? »
Konatsu allait répondre lorsqu’elle se rappela la menace de leur CPE lorsqu’une situation similaire avait eu lieu avec le professeur de Math. Elle acquiesça alors, rangea sa boîte dans son sac, puis se leva rapidement, non sans avoir marmonné :
« Au collège, on me laissait faire…
-Que dites-vous, Mademoiselle ? »
Elle courut hors de la salle, ne souhaitant pas risquer à nouveau une heure de colle.

Tandis qu’elle se demandait en elle-même pourquoi personne ne comprenait sa passion, ses pas la menèrent inconsciemment vers une petite porte, accessible uniquement lorsque l’on montait toutes les marches de l’escalier du bâtiment secondaire. Un signe rouge vif interdisait de passer outre les règles du lycée et de pénétrer sur le toit, mais Konatsu avait l’habitude. Elle poussa la lourde porte de fer et se faufila dehors. Là, elle aperçut une présence qui lui fit chaud au cœur.
«Ah, Juliette. »
Konatsu se renfrogna :
«Minatsu, ne m’appelle pas par mon vrai prénom quand on est seules ! Ou alors tu veux que je t’appelle Elisabeth ? »
La deuxième fille se leva, rougissante :
« S-surtout pas ! Minatsu c’est très bien ! »
Konatsu lui sourit, puis vint s’asseoir à côté d’elle. Ensemble, elles mangèrent le contenu de leurs petites boîtes, des bentos.
Son amie était grande, élancée, et avait de longs cheveux blancs. Ses lentilles à elles étaient bleu grises, mais elle portait le même uniforme que Konatsu, évidemment adapté à sa grande taille.
Tandis qu’elles engloutissaient leur déjeuner, elles ne parlaient pas, mais une fois le repas fini, les deux amies s’échangèrent les dernières rumeurs de leurs classes respectives.
Cette pratique était nouvelle de cette année car, au collège, elles avaient toujours été dans la même classe grâce à la clémence de la principale, qui retrouvait un peu en elles l’énergie de ses jeunes années.
Après quelques jours durant lesquels Konatsu avait pleuré et Minatsu, plus réfléchie, avait fait nombre de démarches administratives, les deux filles avaient finalement accepté leurs situations et s’étaient adaptées en conséquence : elles allaient ensemble au lycée, se retrouvaient sur le toit pour déjeuner, et passaient leurs heures de permanence –heureusement communes pour la plupart- à flâner dans le grand parc de l’établissement en révisant leur japonais.
Bien sûr, de temps en temps, Konatsu, émotive comme pas possible, tombait dans une vague de nostalgie profonde et regrettait grandement leur période de collège en pleurnichant. Mais, comme à son habitude, Minatsu savait la calmer : elle n’avait qu’à lui caresser gentiment la tête en souriant pour apaiser la jeune fille, qui lui sautait alors au cou. Ainsi allait leur amitié, en cet automne de leur première année de lycée…

Salut, c’est Olivier, de la 2nd8…
J’ai eu ton numéro par Juliette…
Je… J’avouerai que j’ai eu du mal à trouver la motivation pour te laisser ce message, mais…
Je…

Minatsu se laissa glisser contre le mur en serrant son téléphone contre elle. Elle versa quelques larmes, puis releva la tête et se détailla dans le miroir. Elle se trouva tout à coup extrêmement laide. Mais, à l’inverse des autres filles de sa classe, pas à cause de son tour de taille ou de poitrine. Elle se leva alors, déterminée, et passa par la salle de bain. Elle en sortit une trentaine de minutes plus tard et se dirigea vers la porte de sortie après avoir enfilé une doudoune blanche. Elle passa une main dans ses longs et soyeux cheveux noirs, vérifia de ses yeux verts qu’elle avait bien éteint toutes les lumières, puis ferma la porte à clé et s’engouffra dans la pénombre en direction du café du quartier…


Rien n'est éternel...


Voilà une nouvelle fiction, cette fois-ci complètement réaliste et plus légère que mes anciennes...
J'essayerai de faire des chapitres ni trop long ni trop courts...
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