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Ce texte m'a été inspiré par un rêve... Chapitre 1 - Un lion et du poissonDans l'Histoire, il y a nombre d'évènements tragiques ou sanglants, horribles et inattendus, qui découlent de la fatalité humaine : épidémies, Guerre Mondiale, assassinats, complots, etc. A en croire l'Histoire, chaque heure, chaque minute, chaque seconde de notre vie peut faire basculer le monde et détruire une ville, causer une hécatombe, voir déclencher une guerre. J'ai toujours vécu dans la peur de l'inconnu, conditionné très tôt par mes parents à ne pas me détourner de l'artère principale pour rentrer de l'école, puis du collège, quelques années plus tard. Encore maintenant, à l'aube de mon entrée au lycée, j'évite de parler aux gens dans la rue, mais aussi à mes camarades de classe, ce qui, hélas, ne m'aide pas vraiment à avoir des amis. Ainsi, j'entrai dans la prestigieuse académie Sainte Marianne sans connaître qui que ce soit. Néanmoins, si quelqu'un m'avait prévenu de ce qui allait s'y passer, et-ce malgré ma peur de l'inconnu, j'aurais sûrement pris cette personne pour un fou. Et pourtant... Chacun est le héros de sa propre Histoire Le premier jour ne fut pas le moins important : nous fûmes accueillis dans l'immense hall, marbré et finement travaillé, par un buffet bien garni censé présenter les produits de la région. L'académie surplombant l'océan depuis une gigantesque falaise, il se composait essentiellement de fruits de mer : langoustines, poissons, huîtres, etc. Peu habitué à ce genre de nourriture, je me contentai de siroter un verre de vin rouge, assis sur une marche du grand escalier, lorsque quelques bribes d'une altercation -plutôt d'un monologue au ton élégiaque- me parvinrent : -Franchement, je trouve cela inadmissible ! Je portai mon regard vers la source de cette plainte, un garçon de mon âge apparemment énervé, ou en tout cas contrarié. Il portait l'uniforme de l'académie, identique au mien : un ensemble blanc ressemblant fortement à une sorte de smoking -en plus travaillé- et arborant sur la poitrine l'emblème de l'école, un lion gris pourvu d'angéliques ailes blanches. Un serveur, habillé de noir, s'approcha de lui en demandant poliment : -Y'a-t-il quelque chose qui déplaise à monsieur ? Le garçon serra les dents : -Mon père paye 50.000 francs par mois pour que j'étudie ici, et on nous y sert de vulgaires poissons ?! lui cria-t-il en désignant la grande table du buffet, comme si ce pauvre serveur y était pour quelque chose. Alors qu'il attendait une réponse en soufflant bruyamment, je fus pris de pitié pour cet homme qui ne travaillait sûrement pas ici par pur plaisir. Cependant, il lui répondit calmement : -Je peux vous faire apporter quelque chose d'autre, si vous le désirez. Pas une excuse. Je pensai que le garçon allait réagir, mais il se contenta de le regarder, décontenancé, sûrement peu habitué à ce qu'on cède à ses caprices tout en le remettant à sa place. Après quelques secondes de silence, il remit cette expression arrogante sur son visage en refusant et s'éloigna, essayant de rester digne tout en sachant qu'il venait d'être poliment ridiculisé par un serveur. Je ris intérieurement. Un moment -sûrement quelques minutes- plus tard, une femme se présenta en haut des escaliers, et je la reconnut tout de suite comme la directrice de l'académie Sainte Marianne : elle était vêtue d'un tailleur blanc et d'une jupe droite et noire malgré son âge... certain. Ses cheveux poivre et sel formaient un chignon, et son visage renvoyait l'image d'une femme froide et stricte. Encore assis sur les marches lors de son arrivée, je me levai précipitamment et me tournai afin de lui faire face, comme tous les autres. Elle commença alors son discours : -Chers étudiants, bonjour. Son ton dur me fit froid dans le dos, et nous fûmes tous gelés sur place, comme forcés de l'écouter jusqu'à la fin par le blizzard de sa voix. -Si vous êtes ici aujourd'hui, c'est que vous faites partie de la haute richesse de notre pays, et que de ce fait vous avez une place dans notre académie. Je serrai les poings à ce discours discriminatoire envers les gens comme moi, entrés ici dans des circonstances exceptionnelles. Je me remémorai ma "mission" lorsqu'une de ses phrases -elle avait continué son discours- attira mon attention : -Enfin, il est strictement interdit de passer le portail en fer au bout du Grand Jardin. -Pourquoi ? La question était sortie toute seule de ma bouche, et je me rendis compte que tout le monde me regardait. La directrice tourna lentement la tête vers moi et, semblant me reconnaître, esquissa un sourire méprisant. Enfin, elle fit taire les murmures en s'adressant directement à moi d'une voix qui se fit plus forte et agressive : -Vous... Votre tête ne m'est pas inconnue... Vous me rappelez fortement ce sale paysan qui a intégré l'école sur demande écrite de son père, invoquant une "mission spéciale". Je l'ai accepté dans un jour de bonté extrême, voulant montrer aux inspecteurs du Ministère que notre académie accepte tous types de personnes, riches comme bouseux. L'intégralité de l'assemblée rit en me regardant, tandis qu'une rage sourde bouillonnait en moi. Je serrai les dents, me retenant de monter la frapper : on m'arrêterait avant que je n'ai monté la troisième marche. Satisfaite de cette méchanceté gratuite, elle récita rapidement la fin de son discours à une foule massée en petits groupes, trop occupés à discuter de mon gars en ricanant pour l'écouter, ce qui n'eut pas l'air de la gêner tant que ça, d'autant plus qu'elle était l'instigatrice de ces messes-basses. Une fois la cérémonie d'accueil terminée, elle nous congédia solennellement : -Tâchez de passer une bonne année dans notre académie, et n'oubliez pas de passer prendre la clé de votre chambre au bâtiment d'accueil jouxtant l'aile Nord ! La petite fête se poursuivit avec un second banquet garni de pâtisseries en tout genre, mais je décidai de ne pas trop m'attarder et me dirigeai d'un pas pressé vers ma chambre, la clé de celle-ci m'ayant été donnée avant. -Evidemment... Devant moi, une minuscule chambre de bonne sous les toits de l'aile Sud de l'académie. Je vérifiai le plan donné au bureau des clés, confirmant ce dont je me doutai déjà : je me trouvai actuellement devant la chambre insalubre où j'allais passer trois ans de ma vie. -Sûrement un "cadeau de bienvenue..." dis-je en soupirant. Éreinté par cette matinée mouvementée, je m'allongeai tout habillé, puis fermai les yeux en songeant à cette année longue et éprouvante qui semblait m'attendre...