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On dit souvent aux enfants qu’ils ne doivent pas avoir peur des monstres sous leur lit. Mais on ne leur parle jamais de celui caché derrière la porte, une hache à la main… Un cri déchira le silence de la nuit sans lune. Dans une ruelle, un adolescent courait à perdre haleine. Il tourna rapidement dans la cour d’une maison, sauta la barrière et s’arrêta, haletant. Soudain, un bruissement dans les buissons le fit sursauter. Le garçon se retourna lentement et son cœur rata un battement. Il était là. Le monstre. Sa hache scintillait lorsqu’il demanda, d’une voix froide : « Regrettes-tu ? » L’adolescent déglutit. « Regretter quoi ? Je n’ai rien fait ! -Dans ce cas, explique-moi pourquoi tu l’as éloignée de moi… -Éloigné qui ? -Mauvaise réponse. Le jeu est terminé. » Tandis que l’homme levait sa hache, l’adolescent à terre entrevit son visage et l’horreur emplit ses yeux. « T…Toi ? Tu étais avec elle ! Comment… -Vengeance… » Un cri retentit, et une mare de sang vint colorer la pelouse du jardin… Je la protégerai pour toi lorsque tu mourras de mes mains… Dans une classe, il y a toujours quelqu’un qui est seul, à qui personne n’ose parler, simplement car il ne veut parler à personne. Quelqu’un qui excelle dans toutes les matières comme en sport sans pour autant être un génie ou un athlète. Quelqu’un qui reste assis à sa place même durant la récréation, lisant ou étudiant. En général, c’est parce qu’il n’est pas intéressé par sa classe et a la plupart de ses amis ailleurs. Dans notre histoire, cette personne tient pourtant le rôle de personnage central. Le personnage central d’une tragédie qui frappa avec une ampleur inattendue un petit lycée de banlieue lors d’un été, mais que la mémoire humaine retiendra comme un fait divers… Lorsque la cloche retentit, les élèves rangèrent leurs affaires en vitesse et sortirent de la classe. Un petit groupe se massa devant la porte, recrutant des joueurs pour un match de foot contre la cité voisine. L’un d’eux interpella un élève, mais ses amis le retinrent aussitôt. «Non, laisse Ano tranquille. » « Ano » sourit sans conviction. Il trouvait ce surnom, contraction de « Anonymous », stupide. Les garçons de la classe le lui avaient donné car personne ne se souvenait de son prénom, et que son nom de famille était banal et sans intérêt. Grand mais plutôt maigre, le garçon châtain de 14 ans aux yeux marrons ne passait pourtant pas inaperçu, mais peu de gens se souciaient de sa présence. Il sortit du bâtiment et plissa les yeux. Le soleil brillant aussi fort annonçait que l’été et la fin des cours approchaient. En sortant du lycéen, son sac sur le dos, Ano remarqua une fille aux longs cheveux blonds qui marchait seule un peu devant lui. Il sourit sincèrement cette fois et la rattrapa. « Eh, Flora ! » Cette adolescente blonde âgée de 17 ans était comme un soleil dans la vie terne d’Ano : ses yeux bleus le rendaient fou et il la taquinait souvent sur sa petite taille. « Oh, salut ! Comment ça va ? -Plutôt bien, et toi ? -Ca pourrait aller mieux : j’ai eu un 8/20 en SES… » Ano regarda autour d’eux alors qu’ils descendaient la rue du lycée et demanda : « Il n’est pas là ? Celui qui est souvent avec toi… -Non, ce matin il n’est pas venu me chercher… Je ferais mieux de lappeler, excuse-moi… -Pas de problème… » L’adolescente sortit son téléphone et composa le numéro, mais la tonalité dura trop longtemps et la messagerie vocale se déclencha. « Il n’est pas là, c’est bizarre… -Mmh… » En repensant à la dernière nuit, Ano soupira et s’excusa, puis partit dans la direction opposée. Arrivant dans un grand parc, il s’assit sur une balançoire près de l’entrée et porta ses doigts à sa gorge, mesurant son pouls. « C’est bon, tu es toujours vivant… Ne t’inquiète pas, il ne viendra plus… Plus jamais… » Ses yeux perdirent toute trace de peur et il se releva, sombre, puis il murmura : « Non, j’ai bien fait. Maintenant, il ne reste que moi… » Enfin, il rentra chez lui, serein. Une fois arrivée chez elle, Flora poussa le portillon de son jardin et ouvrit la porte d’entrée. Elle déposa son sac, enleva ses chaussures et alla s’affaler sur le canapé, morte d’inquiétude, ses longs cheveux blonds tombant sur son visage. Elle roula sur le dos et sortit son portable de sa poche. Elle composa le numéro de son ami, mais personne ne répondit. Elle se leva alors et décida d’appeler avec le téléphone fixe, pensant qu’au moins quelqu’un répondrait. Constatant que ce n’était pas le cas, elle remit ses chaussures et sortit, déterminée à aller voir chez lui. En passant dans la rue, la jeune fille entendit un cri perçant. Affolée, elle bifurqua dans la ruelle d’où venait le bruit, et s’immobilisa en voyant le sanglant spectacle : une femme était dans son jardin et regardait avec horreur le corps sans vie et baigné de sang d’un adolescent tué il y a peu. Flora sentit ses genoux fléchir lorsqu’elle reconnut son ami. Elle s’effondra et pleura toutes les larmes de son corps devant cette macabre réalité. Le lendemain, constatant que Flora n’était pas présente au lycée, Ano alla sonner chez elle, et c’est son frère qui lui répondit, la mine sombre : « Elle est à la morgue… -La morgue ? -Oui, elle a… -Je vais… y aller aussi… » L’adolescent courut à perdre haleine. Lorsqu’il arriva devant le sinistre bâtiment noir aux vitres teintées, il remarqua celle qu’il cherchait sur un banc. En s’approchant, il constata qu’elle tenait une feuille portant le nom et le prénom de son ami, ainsi qu’une note griffonnée à la va-vite : « Décédé d’un coup de hache dans la jugulaire » La triste réalité de cette mort s’imposa à lui lorsque l’adolescente se tourna vers lui, les yeux mouillés de larme, et murmura : « Il me l’a pris… Je le haïrai pour toujours… » Elle se leva et tambourina la poitrine d’Ano avant d’ajouter, en pleurs : « Ano… Protège-moi, maintenant qu’il est parti… » Le garçon fut tiré de ses pensées en entendant cette requête. Il l’enlaça et répondit, souriant sans qu’elle le voie : « Avec plaisir… Maintenant qu’il est parti, tu n’as plus que moi… » Un sourire satisfait comme ont les meurtriers après un crime accompli se dessina sur son visage lorsqu’elle l’embrassa, ce soir d’été… MAJ EDIT : MERCI A ELYSABETH POUR LES CONSEILS APPORTéS LORS DE L'éCRITURE DE CE CHAPITRE !