Galerie de Black_Kitsune: Y'a un mec qu'est mort

A part ça, aujourd'hui j'ai vu un mort.
Après avoir pris une photo ratée au photomaton, j’ai marché sur le côté droit du boulevard flandrin. J’avais un pain au chocolat enveloppé du papier de la boulangerie et les photos dans une main, une bouteille d’eau gazeuse cristalline dans l’autre. Je plissais un peu les yeux sous la chaleur. Sur tout un tronçon du boulevard, il y avait deux voitures de police et un camion bleu gris avec écrit en grande lettres "Services funéraires", et un nombre assez réduit de gens en uniforme de police. Vu que cette partie de la route était bloquée, j'ai contourné en passant par l’espèce de parking qui est un peu en relief par rapport au trottoir, comme ça j'ai pu voir tout d’un peu plus haut. Un drap blanc maculé de sang sur un rectangle aux reliefs assez subtils était étendu là.
C’était dur de s’imaginer comment était allongé le corps en dessous, jusqu’à ce qu’on remarque un unique pied nu un peu cramoisi qui en dépassait. Il était large, marron et enflé, et tourné vers le béton. Probablement un homme d'âge mur - suicide, sûrement: dans cette rue, tous les immeubles sont hauts. Et puis, contrairement aux autres accidents, là, en l'occurrence, c'était simplement un corps étendu au travers de la route, face à terre, couvert d’un drap, et des flics parsemés autour, à un rayon de deux mètres. Ils étaient tous noyés dans la gravité solennelle de la situation. Aucune transmission de radio, on parlait bas.
Je passais, fixant le corps des yeux et sirotant mon eau gazeuse, deux ou trois policiers levant des regards consternés. Et puis plus loin j'ai failli me retourner. Un grand policier noir m’a dit «Excusez-moi, Circulez s’il vous plait. »

Plus loin, j’ai vu le clodo du coin, que je croise souvent quand je me balade, allongé torse nu sur un banc. Il faut dire qu’il fait chaud ces jours-ci, je le comprends. J’ai posé ma bouteille d’eau à peine commencée et le pain au chocolat encore intact près de lui, à quelques mètres, et puis j'ai continué mon chemin. C’était un peu ma façon d’expier le fait qu’ayant vu cette personne s’étant suicidée, je m’en fichais quand même.