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Corps de serpent, griffes de l'aigle, ailes de chauve-souris, le dragon n'est ni mâle ni femelle. Il souffle le feu et son regard fascine comme celui du serpent. Le mot grec Drakon vient de Derkomaï, fixer du regard. Le dragon voit tout, il sonde jusqu'aux tréfonds de l'âme humaine. En dépit des différences qu'il possède vis à vis de Satan dans la bible, la chrétienté l'assimilera très vite au démon ou aux forces malfaisantes. Sur une miniature castillane du XIIIe siècle tirée du Beatus liebanensis, Satan l'ange déchu est immobilisé dans une sorte de carcan, tandis qu'un ange enchaine le dragon. La foi chrétienne triomphe des forces du mal. Nombreuses sont les représentations similaires, montrant à la fois Satan et le dragon prisonniers Pour le chevalier du Moyen-Age, vaincre le dragon, l'enchaîner, est une épreuve initiatique, c'est se rendre maître des forces toutes puissantes de la nature. Au XIIe siècle, dans le roman de Tristan et Iseult, le dragon est assimilé au grand Morholt que Tristan combat. Le Morholt représente les barrières qui séparent l'instinct du sentiment de l'amour pur. Le dragon est le gardien du Trésor, l'amour total que conquiert Tristan pour Iseult. Vaincre le dragon c'est renaître en homme nouveau. Les chevaliers, champions de la foi chrétienne, doivent être preux, c'est-à-dire, avoir du courage et un cœur pur car seule la pureté permet d'accéder au trésor. Mais ce Trésor n'est pas matériel, il est spirituel. C'est l'idéal chevaleresque, une liberté intérieure retrouvée, entretenue par le mode de vie du chevalier Indifférent aux biens matériels, il ne possède rien que son cheval et ses armes. Il s'est défait de toutes les possessions acquises grâce à ses victoires car elles sont comme des chaînes et l'empêchent d'être libre et preux. Dans la mythologie grecque, la bête était représentée avec les griffes du lion, les ailes de l'aigle et la queue du serpent. Une représentation du XIVe siècle nous le dépeint fidèlement, dans une scène où Jason, le héros mythique, le terrasse afin de s'emparer de la toison d'or. Chez tous les peuples du Nord, il symbolise la puissance et la vaillance. C'est pourquoi Guillaume le Conquérant avait orné de dragons ailés la proue de ses bateaux allant conquérir l'Angleterre, imitant en cela le roi norvégien Sigurd Norgruissen et ses ancêtres les Vikings. Dans le Cycle de la Table Ronde du poète Chrétien de Troyes, le roi Arthur (ou Artus) des légendes des bardes gallois, est appelé Pandragon, le tueur de dragons, pour bien montrer sa vaillance à nulle autre égale et la pureté de son âme. Mais outre le héros vaillant, le dragon craint par dessus tout la panthère, dont l'odeur suave le fait fuir, à la différence de la licorne, qui se présente à elle en compagnie de tous les animaux. Là encore, l'imaginaire médiéval chrétien marque du sceau de l'infamie la créature en l'assimilant au mal, par cette différence de comportement avec la licorne, totem christique. Le dragon est une figure rencontrée fréquemment en alchimie. Il symbolise le changement d'état, la transmutation. Grâce au dragon, le mercure, on peut changer la terre, matière vile, en soleil ou en lune (or et argent). On le trouve aussi sous la forme de l'oeuf philosophique tranché par l'épée. On retrouve les dragons au XVIIè siecle, représentés dans l'Historiae naturalis de Jan Jonston. ll les distingue selon que le specimen est apode ou ailé. Terrestre, il cotoie les hydres ou les basilics. Marin, il figure parmi les raies et autres serpents d'eau. Jonston situe les origines géographiques des dragons selon ses sources (Homère, Pline, Hérodote...) en Ethiopie, en Lybie, en Egypte ou en Arabie... Les dragons sont aussi le nom de soldats ou de corps d'armée, en souvenir des dragonniers qui portaient les étendards de couleur " sanc-dragon " au XIIIe siècle.