Retour au blog de Assyrien
Comme tous les matins, je me levais à sept heures trente-cinq, trois secondes, vingt-trois millièmes et six patates cuites. Comme tous les matins, je prenais un fort bon petit-déjeuner (et au passage notait l'absurdité qu'est ce nom... d'où il est "petit" ? Et puis, le dîner c'est quoi ? Le membre qu'on aime pas de la famille ? Mais je digresse). Ainsi donc, ce petit-déjeuner je pris. Un chocolat chaud et, comble de mon malheur, un toast. Oui. Un toast. T-O-A-S-T. Sérieusement. Juste un bout de pain carré, chauffé et doré. Et on me lui donne un nom de gare. Et pourquoi pas Bob ? Boboast ? Bref. Toutes ces questions volaient dans mon esprit (et volaient mes restes d'esprit) quand soudain, la Grâce tomba. L'illumination. La Révélation. Noé qui entendit Dieu. Hannibal qui a l'idée de faire du ski pour envahir Rome. Napoléon qui décide d'aller bronzer en Egypte. Einstein qui découvre le café au lait. Bref, l'illumination avec un grand K : "Pourquoi Toast ?" ou, pour nos amis Igbo, "Ihe kpatara tost ?" Après tout, en alphanumérique, un bien grand mot pour dire "des saletés de chiffres", toast donne "20;15;1;19;20". Or, les plus finauds parmi nous auront tout de suite repéré que 20+20+19+1 =60 et 60-15 = 45. Et tout le monde sait bien ce qui se passa en "45", soit 1645, le 29 du mois de juin où les chinois sont forcés, par décret, de porter la coiffure mandchoue. Et là, les détours d'une conspiration m’apparaissait. Il me semblait évident que la patte du malin avais eu à faire dans la pâte des pâtes. Je pris la décision héroïque d'aller au bout de ce mystère. Napoléon avait cherché le bout du nez de la Sibérie, et bien moi, je chercherais le bout du toast. Sur cette pensée vivace, à exactement huit heures moins deux, quatre secondes après moins trois et cinq pâtes à modeler, je fis ce que tout être sensible se doit de faire dans pareil état d'âme : je jetais négligemment le bout de toast restant sur la tête d'un pigeon qui passait par là pour se rendre à son boulot de gardien de jour d'une boîte de nuit anti-néo-humaniste. Le pigeon abattu, je me ruai vers la fenêtre et sautais dans le vide sans demander mon reste. Deux heures plus tard, une fois sorti du groupe "fous à lier" de l'hôpital "Archange et Poisson" de Issy-les-Moulineaux, je retrouvais la compagnie de mon fidèle Kokoa, un unijambiste acrobate aveugle serbe, qui avait autrefois servi comme chaudronnier à Marseilles-la-petite en Corse Orientale. Là-dessus, nous nous dirigeâmes courageusement vers le seul être qui puisse nous éclairer : le pourfendeur des Nuées, le chasseur de Mulot Tachés, le champion nationale de natation dans de la gelée de framboise, le grand organisateur des championnats mondiaux de course d'escargots, grand manitou de la secte "Pâté et Laitue" et très bon ami, Dédé le manufacturier de Nanterre. Nous le trouvâmes en sa demeure à Meurigny-sur-Orges, à droite à côté de l'A16, ou plutôt nous trouvâmes son fils, Bobby le cordonnier d'Orléans, champion international de lutte contre nains aveugles. De sa douce, et pourtant puissante voix reflétant bien le caractère subtil de sa mère, Nathalie de Rose-en-muraille, celle-qui-parle-aux-touffes-de-fromage, championne mondiale d'échecs russes et grande artiste des années 10; Bobby nous dit en ces termes : "Ô humains de peu de bonté, vous qui venez toquez négligemment chez nous autres, que cherchez vous donc ?" Sans perdre de mon aplomb légendaire qui m'avait valu trois mois de prison à Oukesest-sur-bains, je lui répondit : "Ô Bobby, être divinement né, nous quêtons ton illustre géniteur afin de quérir de sa philosophie éclairée". "Qu'il en soit ainsi selon la volonté qui n'est mienne" répondit ce fougueux jeune homme. Alors, de derrière lui (très exactement 67° au sud du méridien de Greenwich), s'avança Dédé : "Que cherchez vous donc ?" "Pourquoi toast ?" Il fit une pause. On crût entendre des anges crier tellement ses rouages de son esprit merveilleux travaillaient. "Mon enfant, il n'est pas question du toast ici. Il est question de son existence même. De sa réflexion non-imagé dans un contexte socio-économico-capitalo-disque-durette. Ainsi, tout comme la vache fait meuh et le coq s'appelle André, et comme, chacun le sait, 2 et 2 font 4 tant qu'ils ne font pas 3, un toast n'est qu'un toast et ce par la volonté de Jésus Troisième." Là, je dois dire que je fus bouche bée. Ce qui n'était pas très pratique pour manger des toasts, vous me l'accorderez.