[All in one] Chapter One : Red Dawn

Clock Tower sonna cinq heures. Le jour n'allait pas tarder à se lever sur la métropole londonienne et les premiers citoyens se lèveraient et se préparaient à partir à leur travail quotidien. "The Tube" verrait affluer petit à petit ses usagers si fidèles mais tant impersonnels. Pour lui, ils ne sont quantifiés que par leur ticket oblitérés dans les machines conçues à cet effet; sinon ils ne sont rien, la nature humaine n'est rien pour un objet dénué de sentiments, de conscience qui n'obéit qu'à un algorithme composé d'une succession de 1 et de 0 dans un ordre connu.

Mais pour l'instant, les gens dormaient encore paisiblement, perdus dans leurs pensées, dans leurs rêves, dans ce monde qui était le leur et qui était inaccessible aux autres. Tout y était possible, l'imagination n'ayant pas de limites. Une douce brise soufflait sur la ville en éveil, agréable à sentir par cette chaleur. Les rares personnes déjà dans les rues en profitaient et s'en délectaient avec un tendre plaisir. Cette innocence dans leur démarche, dans leurs pensées ne pourrait faire naître un quelconque sentiment de mauvais présage.

Pourtant, dans cette métropole de plus de huit millions d'habitants se mouvait furtivement une ombre. Durant les trois précédents jours, "Nothing Hill", le quartier bien touristique de la City, a connu la même même scène à la même heure, toujours à 05h17. L'ombre se déplaça rapidement mais sans se presser, sans regarder en arrière, d'un pas décidé mais discret. Elle s'arrêta devant un panneau lumineux allumé 24h/24 à l'attention des touristes. A la lumière néon crue mais faible du panneau, on pouvait apercevoir d'une manière floue la physionomie et l'habillement de l'inconnu.

Grand, maigre, portant un complet venant d'un couturier sur le Strand, il devait avoir dans les quarante ans. C'était l'archétype typique d'un homme d'affaire lambda et tout collait parfaitement, à un détail près. Un homme d'affaire ne se dirige pas à Nothing Hill à une heure si matinale. L'inconnu se plaça devant le panneau, jeta un regard furtif aux environs et appuya sur sa montre. Le signal émis en ondes carrées activa un système dans le panneau lumineux. Inactivé depuis trois ans, c'était la troisième et dernière fois qu'il allait servir. L'inconnu regarda sa montre et compta mentalement 10 secondes attendant un signe. Pendant ces dix secondes, un scanner dissimulé dans le panneau l'avait passé au crible fin, détectant une mini-puce implantée près du cœur, et dont la signature énergétique était similaire à celle du battement cardiaque. Elle ne s'était manifestée que lorsqu'elle reconnut la fréquence et la longueur d'onde caractéristiques des ondes carrées émises. En guise de réponse positive, une dalle se déplaça au bout des dix secondes, dévoilant un élévateur ne pouvant accueillir qu'une personne et sur lequel l'inconnu se posa. Il descendit rapidement, la dalle se remettant en place quand il disparut sous la métropole encore endormie. Le système dans le panneau, n'ayant plus d'utilité, entama une procédure d'effacement définitive des données et d’annihilation.

Arrivé à destination, un mur coulissa et l'inconnu émergea dans un couloir tapissé de velours rouge et parfumé à la menthe. Sous une lumière douce, les traits de son visage et sa corpulence ressortaient plus nettement. C'était un type Européen aux yeux bruns et cheveux virant déjà sur le gris. Il avait un maintien droit et était en bonne forme, bien qu'un léger pli dans son costume trahissait un embonpoint. Ses chaussures vernies et la chevalière en or qu'il portait pouvait supposer qu'il venait d'un milieu aisé. Il se dirigea vers une porte en bois vernis qui s'ouvrit automatiquement et pénétra dans une salle au centre de laquelle se trouvaient déjà deux personnes assises autour d'une table qui comptait encore une chaise vide.

Les deux autres personnes présentes étaient totalement différentes. Une était asiatique, l'autre était très pâle, preuve qu'elle devait vivre dans un endroit froid. De plus elle portait une petite bague ornée d'un marteau et d'une faucille, bien que d'après son allure et son maintien, elle n'eût l'air de ressembler à un quelconque membre ou partisan du Komintern.. Cela ne laissait pas de doutes sur ses origines. Elles attendaient dans ce complexe top secret depuis deux jours pour l'asiatique et un pour le russe. Il fallait prendre toutes les précautions nécessaires dans le cas où elles auraient été suivies. Mais il n'y avait rien à craindre, personne ne connaissait leur existence. Cependant, ce comité de trois personnes n'était pas simplement venu dans un endroit ultra-sécurisé seulement pour prendre le thé. L'inconnu prit place, salua brièvement les deux autres et commença à parler. Tout ce qui allait être dit à cet endroit changera la face du monde et ébranlera toute la société.

- Messieurs, le monde n'est plus ce qu'il était. Les socialistes sont de plus en plus nombreux, et l'Etat se gangrène de cette maladie qu'est la pitié hypocrite. Un Etat quasi-communiste menace de naître là où les gens sont assez stupides pour croire que l'égoïsme est à écarter. La nature de l'homme est cupide et devant un tas d'or, les sentiments sont rapidement élagués. Non, il nous faut agir et seule notre action pourra mettre fin à cinquante ans de laxisme et de faiblesse !

- De mon côté, répondit le russe, j'ai le plaisir de vous annoncer que l'algorithme de mise à feu d'une arme à état quantique a fini d'être développé dans le plus grands des secrets. Un seul scientifique y a travaillé dessus pendant trois longues années, et est parvenu à ses fins. Toutefois, nous sommes d'accord que personne en dehors que nous doit connaître l'existence du projet.

- Bien, il nous faut donc nous occuper de son cas dans les heures qui viennent. Que proposez-vous ?

- Eh bien, j'ai une solution, s'enorgueillit l'asiatique. A l'heure que nous parlons, un de mes agents m'attend devant Le Savoy. Je n'ai qu'à lui communiquer un code pour qu'il élimine discrètement la menace.

- Soit, faites donc.

Le ton de sa voix était froid. Eût-il commandé un thé, il n'en aurait pas eu de différent. La mort d'un homme venait d'être décidée pour permettre la réussite de l'opération All in One qui pouvait dès lors passer dans sa phase finale. Une aube rouge, rouge de sang, allait se lever sur la ville londonienne et bientôt sur le monde.